EL ALTO

À l’ouest de La Paz.
Une banlieue ? Comme dans la "capitale", difficile d’y faire des recensements, mais on estime que 1 200 000 personnes vivent maintenant en haut, au début de l’altiplano, alors que nous ne sommes que 800 000 à La Paz, c’est-à-dire dans la vallée.

Jusqu’à la révolution de 1952, la zone n’était occupée que par les terres sèches de l’atliplano et quelques grandes haciendas. Mais la réforme agraire a permis le partage des propriétés, ouvrant la voie à une urbanisation anarchique.
Ni le développement démographique, ni l’urbanisation, n’est organisé. Les infrastructures ne suivent donc pas : routes dégradées et transports en commun encombrants rendent la traversée d’El Alto bien fatigante, mais elle reste indispensable pour se rendre au lac, si reposant.

Un quart de la population d’El Alto n’a pas accès à l’eau courante.

Immeubles de briques apparentes, pour montrer plus de richesse que l’adobe. Mais des façades parfois flamboyantes : vert, jaune, rouge, paillettes et vitres-miroirs. Lignes farfelues et portails glorieux. Même dans les derniers quartiers en construction, qui n’ont pas encore d’habitation. Seulement les murs d’enceinte des terrains, et les dégradés des portails.

Au bord du précipice, au bord de La Paz, il y a des trottoirs. Et en bas des immeubles, les tienditas, tout petits commerces en tous tous genres. Aux premiers étages, les auberges un peu glauques, pour les négociants de passage, ou les motels douteux. Et les salones de eventos (salons d’évènements), pour les mariages ou les anniversaires, plus clinquants encore que le reste.

Plus loin, en s’engouffrant dans la ville, en s’enlisant dans l’altiplano, la route, quand elle n’est pas complètement inondée, ou quand une déviation ne nous fait pas passer dans le lit de la rivière à sec, laisse apparaître des bas-côtés de terre-battue. De poussière, quand les bouchons poussent les plus pressés à doubler la file en mode Paris-Dakar. En slalomant entre les boutiques, ici à ciel ouvert et comptabilité fantôme.

Il y a 8 ans, tout l’Alto était ainsi. Terre apparente.

À El Alto, il y a aussi des innovations architecturales : les cholets, des « chalets » de « cholos », terme péjoratif désignant les paysans des Andes. Des maisons au toit pentu, posées sur les immeubles. Elles sont habitées par la bourgeoisie aymara. Car si El Alto était autrefois une cité-dortoir pour les employés de La Paz, elle est maintenant investie par une population diversifiée, dont de riches familles indigènes qui construisent des immeubles à la pelle. La faisant manier par d’autres, bien sûr.
Et bâtir au bord des grandes avenues d’El Alto rapporte parfois plus que dans la zone sud de La Paz, pourtant essentiellement peuplée de riches et d’expatriés, où les investisseurs aymaras s’enrichissent aussi.

Les Aymaras vivant traditionnellement sur l’altiplano, ils ne souhaitent pas en descendre, même après avoir fait fortune. El Alto porte aussi le plus grand marché temporaire d’Amérique latine, les jeudis et dimanches. D’ailleurs, la ville toute entière, plus encore que La Paz, est un marché géant. Alors habitudes de vie bien ancrées et proximité des affaires font l’évidence.
Les Aymaras, dits plus commerçants que les autres Boliviens, sont devenus très amis des Chinois. Les usines de bricoles de l’autre côté du Pacifique déversent leurs produits sur nos marchés, en grande partie par des réseaux informels. De nouvelles couleurs et de nouvelles textures, qui modifient le paysage urbain.
Mais la Bolivie est bien là.