Suède : les trois mois du papa

Alternatives Économiques - Dossier
Suède : les trois mois du papa

Anne-Françoise Hivert 01/04/2016

Le numéro un mondial du streaming musical, le suédois Spotify, a fait sensation, en novembre dernier, en annonçant que ses 2 000 salariés dans le monde pourraient désormais rester six mois à la maison, après la naissance de chacun de leurs enfants. Et pourtant, on est encore loin des standards en vigueur dans le royaume scandinave, où les parents se partagent presque comme ils l’entendent 480 jours de congés, à prendre avant les 12 ans de leur enfant : 390 indemnisés à 80 % du revenu et les 90 restants à hauteur de 20 euros par jour.

Depuis son instauration en 1974, le congé parental est considéré en Suède comme l’une des pierres angulaires de la politique de la famille, dont les bases ont été posées à la fin des années 1960 par les sociaux-démocrates. A l’époque, le pays, en plein boom économique, manque de main-d’oeuvre. Il faut encourager les femmes à retourner au travail, après la naissance de leur premier enfant.

La Suède mise aussi sur le développement d’un vaste réseau de crèches. Tous les enfants de plus de 18 mois se voient offrir une place. Certains peuvent même y entrer dès leur premier anniversaire, en fonction des places disponibles. Les contributions parentales, indexées sur le salaire, sont plafonnées à 120 euros par mois pour le premier enfant. Aujourd’hui, 87 % des enfants de 1 à 6 ans fréquentent une crèche, contre 12 % en 1972.

Sur la même période, le taux d’activité des Suédoises n’a cessé de progresser pour atteindre 77 %. Toutefois, un tiers d’entre elles travaillent toujours à temps partiel et elles gagnent en moyenne 14 % de moins que leurs collègues masculins.

Aplanir les inégalités
Dans les années 1990, la politique familiale change donc d’orientation. Elle vise désormais à aplanir les inégalités entre les sexes avec la création, par exemple, d’un "pappamånad" (le mois du papa) en 1995 : 30 des 480 jours du congé parental sont alors réservés au père, en plus des dix jours de congé paternité à la naissance de l’enfant. Le 1er janvier 2016, la période est étendue à 90 jours. Et les parents peuvent se partager le reste à leur guise.

La réforme - consensuelle - a pour but non seulement d’encourager les hommes à pouponner, mais aussi, côté employeur, d’associer les conséquences d’une grossesse aux deux parents. Et d’encourager ainsi sur le long terme l’égalité des salaires et des carrières pour les deux sexes.

On n’y est pas encore. En 2014, les pères n’ont pris qu’un quart des congés parentaux, tandis qu’à la maison, les femmes consacrent toujours une heure de plus par jour que leur compagnon aux travaux domestiques. Mais l’écart se réduit lentement. Et après une chute pendant la crise financière des années 1990, la fécondité reste stable aujourd’hui à 1,88 enfant par femme, un des niveaux les plus élevés d’Europe.