URUGUAY : Río de la Plata

Depuis Montevideo, on remonte le fleuve vers l’ouest.

Colonia del Sacramento, la ville bobo. Quelques vestiges de l’architecture brésilienne et de la culture argentine, du temps où les deux pays se disputaient ce territoire. Des petites rues charmantes et des bars originaux. Des galeries d’art, qui vendent des œuvres de bois flotté et autres matériaux échoués. Balades tranquilles. Et l’ondulation des lumières de Buenos Aires la nuit.

Puis on traverse des villes restées dans leur jus de Río Uruguay, jusqu’à Fray Bentos.

La ville a été fondée en 1859 pour pouvoir créer un grand port. Son économie a longtemps reposé sur la production de viande sous toutes ses formes.

Une avancée de terre à la forme propice, des eaux profondes pour accueillir les gros navires et de grandes prairies environnantes pour l’élevage du bétail : le site a séduit les Européens, décidés à produire hors de leur continent en proie à des conflits réguliers.

La Liebig : à partir de 1865, Monsieur Liebig, un Allemand passionné de chimie et de technologie, a fait de ce lieu le cœur de l’innovation industrielle européenne, sans jamais mettre un pied en Uruguay. Au début du 20ème siècle, avec 34 kg de viande, on faisait 1 kg de concentré carné. Pendant la 1ère guerre mondiale, deux cuillères par jour de cette mixture, mélangées à de l’eau, suffisaient à nourrir les soldats allemands.

L’Anglo : à partir de 1924, c’est une entreprise anglaise qui rachète le site, pour y produire le fameux corned beef. Toutes les conserves de ce plat qui inonde alors le marché européen étaient produites à Fray bentos. Des dizaines de bateaux quittaient le port chaque semaine. Et les innovations continuaient : les boîtes de conserve et leurs étiquettes ont été révolutionnées ; les vaches étaient parquées 24h dans une salle inondée de musique classique avant de mourir, parce qu’on avait remarqué que la viande non-stressée était meilleure.

Puis, les trente glorieuses amenant les Européens à manger des plats plus élaborés et goûteux, la production de conserves décroit. La Compagnie se lance alors dans la viande surgelée. Ce qui nous permet aujourd’hui de visiter d’immenses frigos, silhouette emblématique. Là encore, les quantités exportées battent tous les records et le travail de la viande est novateur.

Pourtant, les bénéfices s’effondrant encore, de 1965 à 1975, c’est l’Uruguay qui reprend les commandes, profitant des avancées technologiques et chimiques connues des seuls ingénieurs de Fray Bentos pour développer les connaissances scientifiques du pays.

Au-delà des innovations techniques, Fray Bentos est reconnu pour les avancées sociales qui ont entouré son usine et l’incroyable accès à la culture pour l’époque. Les logements du personnel et les installations collectives destinées aux ouvriers sont toujours utilisés aujourd’hui. Et les travailleurs venus de 55 pays différents, ont constitué une société cosmopolite rare.

Le site est devenu Site historique national en 1971 ; il est entré au Patrimoine culturel national en 2014 et au Patrimoine mondial de l’Unesco en juillet 2016 !