canarios

Rien à voir avec le cinq pièces de Paris ! Elle est bien loin la boîte à chaussures de Toulouse, entre carrelage froid et murs ruisselants. Ici, je cours, je me cache, je me perds, et on m’a promis bientôt plusieurs haciendas, d’inspirations variées....

En attendant l’arrivée de toutes nos affaires flottantes, on a fait gravir les quinze étages à un lit, des canapés, une table et des chaises. Le lit est moelleux, la table suffisamment haute pour voir par les fenêtres, les canapés parfaitement adaptés à la sieste du matin.... Mais qu’est ce que c’est que ces chaises ?! Elles n’ont pas de rotin à caresser.

Bien sûr, la date et l’heure de livraison de tous ces objets ont été modifiées plusieurs fois : on est en Bolivie tout de même ! Alors Lison a passé beaucoup de temps à la maison, avant même qu’on daigne me la faire découvrir. Bon d’accord, elle a tout lavé, mais elle aurait pu aussi remplir les lieux : les pièces vides me font un peu peur. Je me contente donc du salon et de la chambre, où pour me rassurer, les premières nuits, j’ai dormi sous la couette avec mes maîtres. Je suis bien obligé aussi d’aller dans la lavanderia, pour ma litière, qui n’est plus au même endroit que celle des humains : aurait-on honte de moi ?! Je ne crache jamais non plus sur la cocina. Et dès que la porte s’ouvre, je me rue dans le dormitorio d’amis, où les boutures et graines sont gardées bien au chaud et à distance de ma petite personne....

Nous avons deux nouveaux membres dans la famille. Il parait que ce sont deux frères : ficus et caoutchouc, mais après une étude approfondie de leur odeur et de leur goût, je peux vous affirmer qu’ils ne se ressemblent pas du tout !

Deux messieurs très sympas et efficaces (ça nous change) sont venus à la maison, installer une petite boîte clignotante, du même genre que celles de style Philippe Starck en France, mais bien plus rigolote : elle a trois antennes qui conviennent parfaitement à la mastication digestive. C’est notre plus grand objet de luxe pour le moment....

Mais je dois bien vous avouer que j’ai l’impression que mes maîtres deviennent dangereusement sérieux : ils ont fait l’acquisition de verres à eau classiques, parce que les chopes chinées un peu partout ne leur semblaient pas adaptées à leurs futurs invités. Ces nouveaux modèles, arrondis, ne sont pas pratiques pour moi. Mais ils se renversent tout aussi bien que d’autres : je m’en débrouille.
Et puis, ils se gargarisent de leur splendide vue sur l’Illimani. Alors que je trouve personnellement bien plus intéressant de regarder par la fenêtre de la chambre ou de la salle de ciné, passer ces drôles d’oiseaux : énormes canaris en boîte, attachés entre eux comme des bagnards. Ils ont dû être punis pour m’avoir fait frémir dans notre précédent appartement.

Ici, ce qui me fait ramper de peur, ce sont ces hommes suspendus à de simple cordes, qui viennent se poser sur nos fenêtres pour finir de peindre notre immeuble tout neuf. Lison et Kevin rigolent de me voir faire le serpent, mais je sais qu’ils ne font pas les fiers, quand ils doivent sortir de l’édifice en sachant ces équilibristes à peine sanglés au-dessus de leur tête.

Je regarde, intrigué, tous ces petits humains qui circulent dans la rue. Parfois, ils manifestent ou défilent toutes fanfares dehors. Souvent aussi, les satanées alarmes de leurs voitures me réveillent en plein rêve. Mais ici, on est quand même bien : finis les talons de notre écervelée voisine parisienne, et les cris incompréhensibles de ces écoliers qui me faisaient tant soupirer.
Et à 5 heures du matin, au lieu de me contenter d’allers-retours dans un couloir, j’ai à présent un vrai circuit : salon, couloir, bureau de Lison, buanderie, cuisine, re-salon, couloir, etc.