charango

Notre instrument national, expliqué par un des plus grands spécialistes : Agustín Alonso.

L’origine du mot laisse place à l’imagination : vient-il de l’Aymara et de ses onomatopées nombreuses ? "charuango" signifie "fort", et il est vrai que l’instrument raisonne tout particulièrement. En Quechua, "chaka" est le mot pour "goutte de pluie".... Mais Agustín penche plutôt pour "chaar" + "anko" : un "gigot" avec des "nerfs" dessus.

Ce qui est sûr, c’est que le charango vient de la région de Potosí, même si plusieurs villages se disputent la paternité. Au cours de son histoire, il prend des formes et donc des sons différents, et même parfois un autre nom : Mediana
Il a conquis le pays en devenant l’instrument des mineurs, puis des cueilleurs de canne-à-sucre, ce qui lui a longtemps valu une mauvaise réputation dans les vallées boliviennes, étant considéré comme un symbole indigène. Dans les années 60 et 70, l’image du charango évolue positivement. Mais même Agustín Alonso explique que lorsqu’il a commencé à jouer, ses parents ont eu peur qu’il devienne automatiquement un raté et un alcoolique.

Au début, le charango était seulement une guitare plus petite avec un manche proportionnellement grand. Il avait 4 à 6 cordes ; aujourd’hui il en a 10. Il est probablement inspiré des petites guitares européennes, des différents instruments faits à partir de carapaces et du Timple canario, qui est accordé de façon semblable, même s’il est une note en-dessous.

Tarabuco, près de Sucre, est reconnu comme le lieu de production des meilleurs charangos du pays.
Il y a longtemps eu beaucoup de charangos en céramique, mais ils avaient un son très spécial et ont donc été progressivement abandonnés.
Traditionnellement la plupart des charangos en carapace ou en bois étaient recouverts au dos d’une peau de condor, mais cette pratique a été interdite.
Aujourd’hui, tous les charangos sont fabriqués en bois déshydraté, et ils sont tous faits artisanalement. Les puristes gardent des clés en bois, parce que les clés en métal donnent un son un peu différent. Mais ces dernières facilitent beaucoup l’accord de l’instrument. De même, les instruments traditionnels ont des frettes en bois ou en os. Mais elles sont aujourd’hui souvent en métal.

À Sucre, Cochabamba et Potosí, on fait des instruments en laminé. Il existe aussi quelques charangos originaux fabriqués en canettes d’alcool ou utilisant des tripes de chats ou de lapins pour les cordes.

Les charangos ont aussi des couleurs caractéristiques de leur zone d’origine, mais toujours en rapport avec la nature. C’est pourquoi il ne faut pas décaper un charango quand on veut le repeindre, sous peine d’offenser la Pachamama.

On joue du charango aussi au Pérou, même si le "charango peruano" différent, dont se vantent nos voisins, n’existe pas. En revanche, il n’a pas réussi à s’implanter au Paraguay.
Les Chiliens le considèrent comme un "instrument andin", pour s’en réapproprier un petit bout, mais il a été interdit sous Pinochet et reste très peu utilisé.

De nos jours, le charango est un instrument de groupe, mais à l’origine c’était un instrument de soliste.
Il existe des charangos sopranos, des charangos tenors, des charangos baritons, mais pas au-delà : pas de basses dans la famille charango. Par rapport à ses début, le charango a gagné une octave, grâce à Mauro Núñez (1902-1973), le plus célèbre charanguista.
Il existe même des charangos électriques.
On utilise aussi dans les grands orchestres le Guitarrón, entre le charango et la guitare, et le Ronroco, charango de carapace de tatou, aux arpèges plus doux.
On considère que le premier vrai concert de charango a eu lieu en 1988, avec 100 instruments. En 2009, le charango entre au Patrimonio Cultural Boliviano (Patrimoine culturel bolivien). Pour l’occasion, plus de 1000 charanguistas se sont retrouvés à Potosí. Et en 2010, le plus grand concert jamais donné a regroupé 1500 charangos.

Rien qu’à La Paz, on estime que 7000 personnes jouent du charango.
Le Jour national de l’instrument est le 15 janvier, date de naissance de Mauro Núñez. Quant au Jour international du charango, c’est le 6 avril, date de la fondation du premier groupe officiel de charanguistas.