gallina

La nuit se couche. tôt toujours. 18h, le royaume de la lune.

Avec l’altitude, difficile de faire la fiesta après une journée de dur labeur. Alors je parfais ma culture cinématographique, et j’en fais profiter mes maîtres. Si ça ne tenait qu’à moi, nous regarderions documentaire animalier sur documentaire animalier. Mais ils ne sont pas assez évolués pour en comprendre toutes les subtilités. Alors c’est plutôt série sur série.

Et je vois ma vie différemment. Elle tourne dans le sens contraire des aiguilles d’une montre. Rien que d’y penser, j’ai la chair de poule !

Twin Peaks : Quand le labo-photo était amovible, dans notre salle de bain parisienne, je participais déjà à la magie du développement et à l’enquête à l’ancienne. " C’est quoi ? C’est où ?! " Mais j’avoue que l’ambiance maison-close de cette nouvelle chambre-noire m’attire plus encore que les goûts de révélateur et de fixateur. Plus film X que polar, les négatifs papier dansent sous les tonnelles, la lueur de la lampe-à-positifs projète nos ombres éphémères sur les murs effrayés, et je me prélasse sur le carrelage frais pour oublier la chaleur de nos trois corps enfermés dans la noirceur étroite de la pièce des mystères....

Masters of sexe : Lieu du savoir et des expérimentations, la bibliothèque me semble infinie. Elle s’emplit de BD aux techniques nouvelles, de livres aux mots étrangers et de journaux aux idées originales. Pour améliorer la vie des humains. Michel et Mafalda se collent l’un à l’autre sur l’étagère des couples baroques. Moi je préfère les fils, les boutons et le coton. Les tissus doivent être préservés ; ils sont hors de ma portée. Les fourberies vont bon train. Confiance et partage des connaissances ne font pas bon ménage avec machine-à-coudre et ciseaux.

Better call Saul : Les plus belles images sont dans la chambre d’amis. Vue sur la ville de jour comme de nuit. Pas de nature. Du sec, de la terre, crue ou cuite. Quelques lumières, quelques vertiges. Marrick, Marilys, Florence et bientôt Lucie. Orléans, Reykjavík, Paris, Toulouse et Berlin. Les clients défilent et ne se ressemblent pas. La concurrence des grosses entreprises hôtelières ne nous fait pas peur. Le monde s’agite. Et les images se posent.

Trapped : Le bureau de Kevin comme thriller familial ; la clarinette-basse sévit toujours. Je me motte, je me frotte, je me cache. Et j’essaye de dérober le saucisson au passage, il ne faut pas se laisser abattre. Accroché, comme les deux autres, au mur blanc. Je me fais une montagne. Une fois la série commencée, on est pris au piège. Trois elfes capturés, qui n’arrivent plus à s’arrêter de courir derrière la suite. Le futur est cachottier.

Banshee : Abris de mes cauchemars. On pourrait penser que Kurt Wallander dort ici. Pour me protéger. Dans le lit que je partage avec mes deux peluches-du-grand-nord. Mais depuis que Caroline et Jorge nous ont offert un humidificateur d’air, l’ambiance est plus tropicale. Ma plante préférée devient une forêt, occulte à la lueur des bougies. Le son des vagues est usurpé. Je cherche la vérité dans ces vapeurs qui me glacent. Mes oreilles sont brûlantes. Mais je respire enfin. Kevin a oublié les bruits d’ogre dans son sommeil, et Lison ne joue plus les zombies au nez sanglant du réveil.

Le bureau des légendes : Mon chef se fait passer pour un diplomate. Mais je ne suis pas dupe. Et notre entourage commence à se poser des questions. Il maîtrise les traitres. Il cuisine les difficiles. Il y a des indices troublants. Il décortique les allemands. Il tempère les français. Il pique les indiens et presse les italiennes. Sans jamais se mélanger les pinceaux-à-épices. Ingrédients rocambolesques et outils domptés. A vous je peux le confier : je crois qu’en réalité, il est charcutier-pâtissier.

Friends : L’Illimani vit sur notre palier : je le vois depuis mon canapé. Mais jamais je ne le croise devant l’ascenseur. Je lui proposerait bien un peu de lait, pour se refaire une beauté. Il pourrait même venir se servir lui même dans nos frigos. Il évolue au fil des saisons, mais reste toujours le même au fond, de la vallée. Et depuis que nous sommes amis, nous avons du mal à nous séparer. On s’observe toute la journée, seulement dérangé par les cris étranges des animaux du dessus. Pas un canard et un poussin, mais deux bébés humains. Dans mes rêves les plus doux, ils jouent au générique de Mad men.

Maigret : Enquête après enquête, j’aide mes inspecteurs à trouver pourquoi les feuilles de citronniers jaunissent, dans quelle terre les chirimoyas poussent le mieux, pourquoi le gingembre fait de grosses racines mais pas de tubercule.... et qui a bien pu manger cette petite plante toute tendre ?!?! Dans ma jardinière comme dans un confortable fauteuil, une brindille de l’altiplano à la bouche, parce que la pipe me fait tousser, je mets tout mon charisme à profit. On me caresse et on me laisse faire la sieste.

gallina = poule