petits grains

Dans un yaourt maison, avec les quelques fruits séchés qui ne baignent pas dans du rhum.... Amaranto, quinua et cañahua. Ces petites boules de plaisir vous donnent de l’énergie pour toute la matinée.

QUINUA
Chenopodium quinoa est le plus connu des grains andins. On pense que sa domestication s’est faite en même temps que celle du lama, il y a environ 6 000 ans. Il était l’une des rares plantes à pouvoir survivre sur l’Altiplano, dans des sols pauvres, exposé à la sécheresse, au gel, aux vents violents et à la forte radiation solaire due à l’altitude. Enrichi par le fumier des animaux et développé par la germination des graines échappant à leur digestion, le « petit riz du Pérou », particulièrement riche en protéines, était très consommé avant l’arrivée des colons. Tiré du quechua « kinwa », il était surnommé « chisiya mama » (mère des graines) par les Incas, qui avaient compris l’intérêt de ces petits grains riches en fer et en huile.
Mais les Espagnols ne s’y attarderont pas. Ils interdiront même sa culture au profit du blé et de l’orge. Durant quatre siècles, il n’est plus cultivé que dans quelques endroits éloignés des centres de décision de l’administration coloniale.
À partir de 1970, sa consommation augmente progressivement en Europe et en Amérique du Nord. En Amérique du sud au contraire elle diminue, le blé des États-Unis et du Canada coûtant moins cher aux populations. De plus, il a alors une image de céréale du pauvre, que la Bolivie et le Pérou vont vite tenter d’effacer, en essayant de le valoriser comme un authentique produit du terroir auprès des classes moyennes. Ce mélange d’effort de communications nationales et de recherche d’aliments plus sains par les habitants des pays du nord, dans les années 2000, conduit à une rapide hausse des prix dans le monde entier.
La quinua est aujourd’hui peu consommée en Bolivie car trop chère pour les populations locales. Elle a en revanche toute sa place dans les restaurants gastronomiques et les repas du dimanche des familles plus aisées.
Le Pérou est le premier producteur et exportateur mondial devant la Bolivie et l’Équateur. Le développement de la monoculture de la quinua se fait aux dépens des autres activités agricoles, notamment l’élevage traditionnel. Si cette nouvelle richesse a freiné l’exode rural qui commençait à devenir problématique dans notre pays, elle a aussi des conséquences néfastes sur l’environnement : la réduction des jachères appauvrit encore les sols. Et les revenus apportés par cette culture entraînent régulièrement des tensions au sein des communautés au sujet de la possession des terres.
Plus de la moitié de la quinua bolivienne est exportée vers les États-Unis, un peu moins d’un tiers vers l’Union européenne et 6% vers le Canada, soit au total 94% de la production.

De la famille des betterave et des épinards, la quinua permettrait de lutter contre les maladies cardiovasculaires et le diabète, grâce à sa richesse en fibres. De même, elle aide les foies endommagés et les ventres ballonnés. Elle contient des fibres insolubles qui absorbent l’eau et, en gonflant, stimulent l’activité intestinale.
Des tentatives sont faites pour développer sa consommation dans les pays d’Afrique où la malnutrition est chronique.
Mais la quinua contient aussi beaucoup de saponines, qui empêchent le corps de bien utiliser les nutriments importants, tel que le fer, et qui lui donne un goût amer. C’est pourquoi il faut la débarrasser de ces substances par lavage avant consommation.
Les populations indigènes se servaient souvent de l’eau de rinçage de la quinua comme shampoing. Mais ce liquide étant très mauvais pour l’environnement, plusieurs actions ont été menées pour faire flancher cette coutume.
D’autres scientifiques ont pris le problème dans le sens opposé et ont développé une quinua dulce (au sens de « douce »), contenant peu ou pas de saponines.
En Europe ou en Amérique du nord, elle est de toute façon vendue déjà lavée. Elle y est aussi souvent mélangée au blé ou autres céréales locales.
La quinua est aujourd’hui cultivée dans d’autres régions du monde, notamment les États-Unis et le Canada, et depuis 2009, LE quinOa (en Français) a été introduit en France, de l’Anjou au Poitou. Mais la quinua real (vraie quinoa), qui grandit dans le climat hostile de l’Altiplano bolivien, reste la meilleure.

On peut utiliser la quinua pour toutes les préparations contenant habituellement du blé. Et en pâtisserie, en réduisant la quantité de farine de moitié, car celle de la quinua a un pouvoir d’absorption plus important.
Nutritionnellement, pour une meilleure assimilation du fer qu’elle contient, il est recommandé de consommer durant le même repas que la quinua des aliments contenant de la vitamine C (poivron ou chou, agrumes, fraises ou kiwis).

CAÑAHUA
Encore plus croustillante que sa grande sœur quinua, la cañahua prend toute sa saveur quand elle est un peu toastée. Elle vient elle aussi des hauts plateaux du Pérou et de Bolivie et grandit mieux en altitude, résistant au gel, à la sécheresse, aux sols salés et à beaucoup de parasites ou molécules nocives. Les graines, plus petites que celles de la quinua et encore plus riches en protéines, peuvent être utilisées dans les mêmes plats, après une même préparation libératrice des saponines.

Pleine de fibres, avec deux fois moins de graisses que la quinua, et riche en tout un tas de petites choses, on utilise la cañahua pour le sevrage des bébés en en mélangeant de plus en plus à leur lait. Pourtant, en Europe, à cause des saponines, la cañahua (comme la quinua) reste déconseillée aux enfants de moins de deux ans.
On en fait aussi une boisson proche du chocolat-chaud, spécialité de Puno et Cuzco (au Pérou) et une chicha (sorte de bière de l’Altiplano). Comme la quinua, elle est antioxydante et riche en fibres insolubles.
Va-t-elle connaître une ascension aussi fulgurante que sa grande sœur ?

AMARANTO
Un peu différente des deux précédentes, en France cette plante fleurit en août et septembre. Vous la connaissez. Si si. Mais vous la prenez pour une mauvaise herbe. Les amarantes / amaranthes (Amaranthus, « immortelle » en Grec ancien) sont ces « queues de renard » qui poussent au bord des champs.
Depuis longtemps en Asie, en Amérique et en Afrique, on ne les laisse pas dans les fossés, conscient des bienfaits de leurs bonnes graisses et protéines. Dans l’Amérique du sud précolombienne, les graines étaient consommées sous forme de farine ou grillées comme du pop-corn (sans ajout de matière grasse), et les feuilles étaient cuisinées comme des épinards.
C’est toujours ainsi qu’on utilise l’amaranto aujourd’hui ! Pas de risque de le confondre avec une plante toxique : toutes les variétés semblables sont comestibles. Les jeunes feuilles apparaissent en France en mai ou juin. Elles sont alors tendres et se mangent crues en salade. Un peu plus vieilles, on peut les cuire à la vapeur comme des épinards. À la Réunion ou à Madagascar, on les appelle « brèdes parentières ».
Puis, la plante donne environ 80 000 petites graines. Dans l’assiette, plus petites que celles de la quinua, elles ont une consistance collante. On peut aussi manger les graines germées, réputées particulièrement saines.
La farine d’amaranto rend les pâtisseries plus humides et plus moelleuses et relève le goût du sucre.
Et on utilise même les jeunes fleurs crues (de juillet à octobre en France), pour embellir les salades.
On trouvait l’amaranto chez les Incas, mais surtout les Aztèques, au Mexique. Après la conquête espagnole, sa culture fut interdite car elle était très liée aux rituels religieux. Il a ainsi presque totalement disparu de l’alimentation d’Amérique du nord et de l’Amérique centrale. Aujourd’hui, il est cultivé toujours de manière naturelle au Pérou, jusqu’à 4000 mètres d’altitude, où il fleurit donc une fois par an. Dans les cultures plus intensives du Pacifique sud trois récoltes par an sont possibles.

Pour les Incas, l’amaranto avait des forces surnaturelles et contribuait au prolongement de la vie. Très riche en amidon, il est aujourd’hui beaucoup utilisé dans le domaine médical  : avec les feuilles on fait des lotions apaisantes pour les inflammations, urticaires, eczémas ou psoriasis, et des cataplasmes. Les décoctions de graines sont diurétiques et globalement bonnes pour les reins. Et les infusions de feuilles permettent de lutter contre la constipation.
Mais si vous préférez, vous pouvez continuer à utiliser l’amaranto pour embellir votre jardin.